Se passer des énergies fossiles implique de se passer de leurs bénéfices, vitales pour certaines nations : seule énergie disponible et accessible, facile à stocker et à transporter, concentrée et à laquelle l’infrastructure existante est déjà adaptée.
Alors la question se pose : Comment faire pour comprendre et satisfaire tout le monde, malgré les inégalités des ressources naturelles, les inégalités économiques, les inégalités climatiques ?
Inégalités climatiques et économiques entre les régions du monde
La première inégalité climatique est le fait que toutes les régions du monde ne sont pas touchées par les mêmes conséquences, ni avec la même intensité. Parmi les impacts du changement climatique, on compte une augmentation des événements météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, sécheresses, inondations…). Ils sont dangereux pour la vie humaine, mais aussi pour les habitations et infrastructures. Les zones arides sont davantage victimes de sécheresses, les zones proches du niveau de la mer subissent plus d’inondations, etc.
Cette augmentation du rythme des catastrophes naturelles est plus importante dans des régions comme l’Afrique subsaharienne ou les archipels. Ce sont les régions les plus touchées par le changement climatique.
Le GIEC affirme dans chaque rapport que le changement climatique actuel est dû aux émissions de gaz à effet de serre provenant des activités humaines. Or, chaque région n’est pas à égalité quant à la quantité de carbone qu’elle émet. C’est une deuxième inégalité climatique.
Ce sujet est complexe, il est possible de l’envisager depuis plusieurs points de vue. Tout d’abord, les pays occidentaux ont été les premiers à utiliser les énergies fossiles à grande échelle. Historiquement, l’industrialisation a fortement augmenté les moyens de production et le niveau de vie général des pays qui, en conséquence, sont aujourd’hui plus développés économiquement.
Du point de vue des pays du sud, il n’est pas acceptable qu’on leur refuse l’accès aux énergies fossiles quand les pays du nord ont pu en bénéficier sans limites par le passé.
Certains pays sont devenus depuis peu à l’échelle du temps, de grands producteurs de gaz à effet de serre. La Chine est le premier pollueur du monde, émettant deux fois plus de CO2 que les deuxièmes : les Etats-Unis. L’Inde voit ses émissions croître, elle est devenue le troisième plus grand émetteur.
Mais c’est loin d’être le cas pour tous les pays en développement. Des inégalités climatiques existent aussi entre eux. Les pays d’Afrique subsaharienne sont parmi les moins émetteurs de CO2 de la planète, mais aussi parmi les plus pauvres. L’accès aux énergies fossiles peut représenter pour eux le moyen le plus direct d’améliorer leurs conditions de vie et, paradoxalement, d’obtenir des moyens d’adaptation au changement climatique.
Nous avons déjà pu présenter cette question dans un précédent article.
Le graphique ci-dessus présente le classement des Pays ou Région selon le volume de dioxyde de carbone émis en 2020, en millions de tonnes.
Les émissions CO2 importés ne sont pas prises en compte.
La délocalisation en Chine, a rendu possible de faire croître le developpement des pays européens tout en baissant leurs émissions de CO2.
Il est intéressant dans ce contexte, analyser les émissions de CO2 rapportées chaque année, des émissions de CO2 historiques, c’est-à-dire le total d’émissions de CO2 produites depuis 1850, début de la révolution industrielle lors de laquelle les émissions de carbone ont entamé une croissance exponentielle et les écarts de richesse déjà existants se sont exacerbés.
Le graphique ci-dessous, dresse l’état des Émissions cumulées de CO2 provenant des combustibles fossiles, de l’utilisation des terres et de la sylviculture 1850-2021 en million de tonnes.
Ce sont les États-Unis qui sont à la tête de ce classement, avec encore environ le double des émissions historiques que la Chine, qui est deuxième.
Émissions de CO2 totales et émissions par habitant
En étudiant les données par habitant, on se rend mieux compte des différences entre les habitants de chaque pays. Elles reflètent les inégalités de développement et de comportement. Si l’on souhaite atteindre un monde où le citoyen moyen de chaque pays aurait une empreinte carbone équivalente à celle des autres, il reste du chemin à parcourir.
Par exemple l’Inde a surpassé la France en émissions de CO2 par an, ainsi qu’en émissions historiques. Cependant, le français moyen a toujours un impact carbone 20 fois supérieur à celui de l’indien moyen. Les inégalités climatiques entre les individus peuvent être aussi importantes que celles entre les nations.
L’objectif de la neutralité carbone semble difficile à accorder avec les besoins des pays du Sud, où des dégâts économiques et humains surviennent déjà. Ils sont à la fois les plus touchés par le changement climatique, ceux qui y ont le moins participé, et ceux qui ont le plus besoin d’une source d’énergie facilement accessibles et d’infrastructures d’adaptation. Ils accumulent les inégalités climatiques et la priorité reste pour eux d’améliorer leurs conditions de vie, même si une conscience écologique existe déjà chez certains.
En effet, une distinction est à faire entre les « émissions de survie », par exemple produites par l’agriculture ou pour l’accès à l’eau, des « émissions de style de vie » issues d’activités moins essentielles.
Responsabilités des pays développés
- Aides aux pays en développement
Les pays développés sont ceux qui mènent largement les conférences climatiques et les accords environnementaux internationaux.
L’objectif que le GIEC continu de rappeler est le Net zéro carbone : pour que le changement climatique ne progresse pas davantage, il est impératif de ne plus augmenter la concentration de l’atmosphère en CO2. Cela ne peut se faire qu’avec la participation de toutes les nations.
Pour les pays en développement, il peut paraître illégitime de suivre des accords internationaux qui seraient promus par les nations ayant eu le temps de bénéficier des énergies fossiles. Il est tout de même de leur responsabilité, en plus de leur intérêt particulier, de ne pas faire empirer le changement climatique.
Tous ne sont pas dans la même situation, que ce soit en vulnérabilité ou en participation aux émissions. Par exemple, le cas du Mozambique est très différent de celui de la Chine ou de l’Inde.
Pour certains, il s’agit de calculer le rapport entre les bénéfices des énergies fossiles et les dommages du changement climatique. Or, dans la troisième partie de son sixième rapport publiée en en avril 2022, le GIEC affirme que les coûts engendrés par les dégâts du changement climatique dépassent ceux nécessaires à l’endiguer.
« The global economic benefit of limiting warming to 2°C is reported to exceed the cost of mitigation in most of the assessed literature. »
>> Le bénéfice économique mondial d’une limitation du réchauffement à 2°C est attendu de dépasser les coûts de mitigation dans la plupart de la littérature évaluée.
GIEC : Climate Change 2022 – Mitigation of Climate Change – C.12
Pour les pays développés, cela implique de participer au développement des solutions bas carbone, sur leur territoire mais aussi à l’étranger. Après avoir largement profité des énergies fossiles, il ne serait pas légitime de demander à d’autres de s’en passer sans leur faciliter l’accès aux alternatives. De plus, il leur faudra montrer l’exemple, car sans légitimité il n’y a pas de levier d’influence.
- Relocalisation
Deux facteurs tendent à favoriser la relocalisation pour réduire les émissions de CO2 globales : le mix énergétique et les transports.
Tout d’abord, le mix énergétique mondial, français y compris, repose encore sur les énergies fossiles. Cela dit, la production d’électricité en France est significativement moins carbonée qu’ailleurs. La comparaison ci-dessous, avec l’Allemagne le démontre bien.
Production d’électricité en FRANCE
Production d’électricité en ALLEMAGNE
Cela est dû à l’implantation en majorité de sources d’électricité bas carbone dans le pays, avec environ 71% de l’électricité produite en France par le nucléaire et environ 22% par les énergies renouvelables. Ces différences d’accès à de l’électricité peu carbonée est en soi une inégalité climatique de plus. En relocalisant, les produits dont la manufacture nécessite de l’électricité auraient un bilan carbone réduit.
Le problème des transports est assez simple : en rapprochant les lieux de production de ceux de consommation, on raccourcit le circuit et les distances à parcourir sont moindres. Les transports fonctionnant quasi-uniquement avec des énergies fossiles, les émissions sont réduites.
Les avantages d’un circuit court sont nombreux. Même si les transports étaient modifiés pour ne plus avoir d’impact carbone, l’énergie nécessaire serait plus basse sur de courtes distances. De plus, un circuit court permet d’avoir une meilleure connaissance des conditions de fabrication des produits.
La relocalisation aurait aujourd’hui plusieurs bénéfices, et elle rétablirait en partie une autre inégalité climatique : celle de la concentration des pollutions dans les pays qui sont prêts à la sacrifier. Aujourd’hui, les pays développés exportent de larges quantités de déchets, notamment électroniques, et importent des produits dont les usines génèrent des pollutions locales.